Bonjour

Voilà quelques jours que je me promène dans ce forum, sans trop intervenir pour prendre le temps de bien comprendre l'esprit. Il y a plein de choses qui m'ont intéressé dans tout ce qui s'y dit, preuve supplémentaire pour moi que derrière l'amour de la montagne se cachent probablement plein d'autres valeurs partagées.

Pourtant, il y a en montagne quelque chose qui m'obsède depuis des années et dont je n'ai pas vraiment trouvé de traces ici. C'est le désir d'y rester le plus longtemps possible, en totale déconnection du monde extérieur... En tout petit groupe, voire seul, à l'écart des refuges et des itinéraires fréquentés... C'est une manière d'y aller qui implique des efforts supplémentaires (la tente, le poids, pour être en autonomie totale 6 ou 7 jours) mais qui me fait un bien fou, sans aucune comparaison avec une ascension à la journée, voire même sur 2 jours, où le calme intérieur qui peut éventuellement commencer à s'installer est sans cesse ébranlé par la rencontre fréquente et intempestive avec les traces d'une civilisation qui parait alors déplacée.

C'est sur, on ne peut pas avancer vite avec 25... voire 35 kilos sur le dos, on ne peut pas non plus emprunter d'itinéraires techniques. Mais la durée compense la lenteur, parfois on se pose 2 jours au même endroit et on peut, les mains dans les poches, faire à l'heure de l'apéro du soir un grand sommet que l'emplacement du camp a mis à portée immédiate... La question de la foule ne se pose alors plus puisque tout le monde est redescendu depuis bien longtemps, et l'on reste silencieux à contempler les corbeaux tourner au dessus de l'abîme dans le soleil descendant, avant de soi-même reprendre le chemin de la tente toute proche, que l'on déplacera le lendemain vers un autre site...

Ne jamais redescendre, c'est ça mon rêve.

Ce type de pratique, je lui donne le nom de "raid en haute montagne". Je ne sais pas si c'est une appellation officielle. Y a t'il ici d'autres personnes qui aiment aussi cet esprit ?

J'ai écrit pas mal de récits, d'interrogations et de conseils là-dessus dans le site http://www.marclemo.com/alpinisme

Et puis, il me vient une idée. J'ai lu avec intérêt (mais après sa réalisation) le montage de la première "Rencontre des montagnards" du forum. Pour une édition ultérieure, pourquoi ne pas envisager de fixer le rendez-vous en plein vide ? Tout le monde converge vers un lieu prédéfini avec sa tente, et on crée un village temporaire, vraiment tranquille, vraiment là où on veut ?

Marc

Bonjour,
Je suis entièrement d'accord avec toi sur le fait de partir 6/7 jours en autonomie (c'est d’ailleurs ce que je fais), en dehors des refuges et des restos. Pourquoi :pour être totalement libre de mes faits et gestes (marcher 1 ou 2 heures de plus ou de moins que prévu, planter la tente ou l'on décide, se retrouver entre nous). Je ne fais jamais de rando ou d' ascension à la journée (c'est aussi parce qu'il me faut 4 heures de routes), pour moi une rando c'est minimum 2/3 jours et en autonomie.
Mais ce n'est pas pour fuir la civilisation.
De plus, là ou je suis pas d'accord avec toi c'est sur le poids du sac, on est partis cet été 2 fois 5.5 jours en autonomie avec environ 13 kg (avec tente et tout ce qui va avec, même l'apéro !) et cela sur des passages techniques (HRP et qq ascensions). Lors de mes premières randos je partais avec environ 21 kg, pour moi c'est inimaginable de partir avec 30 kg pour 6 jours (il n'y a plus de plaisir !!!)
Pour ce qui est de rester tjrs en haut, pas pour moi, j'aime trop la civilisation !

Cyrille

Ta proposition ressemble fort aux communautées de baba-cool des années 70'.
Je crois que la pratique de la montagne à quelques niveaux que ce soit est un sport très individuel. Par contre les valeurs qui entourent ce sport sont bien sur interressantes à partager avec les autres (montagnards ou non).
Ce que je recherche dans cet effort physique c'est de me mesurer à moi même et ma récompense est d'être dans un milieu sain, naturel et extraordinairement beau.
Il y a autant de manière de pratiquer la montagne qu'ils y a de pratiquants.

D'accord avec toi Gourmelon, le poids n'est pas une fatalité. Pour une pratique de la rando sur 1 semaine, il faut savoir faire quelque sacrifices (1 morceau de savon de marseille vaut mieux que d'amener 1 carline/jour). La technologie d'aujourd'hui permet d'optimiser considérablement le poids du sac.
Cela dit j'ai l'impression que la recherche du faible poids est inversement proportionelle au budget que l'on doit y consacrer.

Patrick

Ah ! ne jamais redescendre...

D'accord, mais point de vue sécu, il faut quand même faire un peu gaffe, surtout si la météo s'y met !
Je crois que c'est possible si on est un tant soit peu expérimenté et notamment si le matériel emmené correspond bien aux besoins réels (peu importe à vrai dire les kilos ou ce même ce qu'on emmène, c'est selon les envies et les capacités de chacun et là c'est l'expérience qui parle).

Loin de la civilisation, oui, certainement pour se retrouver face à soi-même et face à un monde qui ne ressemble pas à une "usine à gaz" (à tous les sens du terme...) Mais l'homme reste un "animal social" ("zoon politikon" aurait dit Aristote...) on aura du mal à lutter contre ça, sinon nous serions tous des "enfants-loups".

Et les bergers d'autrefois ne vivaient-ils pas cela au quotidien lors de leur séjour en estive, à une époque où ils n'étaient ravitaillés qu'une fois par semaine (par les fameux "semanès") même si nombre d'entre eux se regroupaient dans des "villages d'été" (cf. les courtaous du Haut Adour ou les granges du Moudang)

Pour ce goût de la solitude et les recoins cachés, je recommande la lecture de la biographie d'Adrien Castéran, "Adrien, le dernier berger des Pyrénées", de Raymond Ratio. A la fin de sa vie, étant trop âgé pour faire le parcours dans la journée, le vieil Adrien dormait à la belle étoile au fond de cap de Long pour rendre visite le lendemain à ses brebis de l'autre côté de la hourquette de Bugarret...
Un jour un garde du parc a fini par le retrouver mort. Il aura passé ses 40 dernières années en tant que berger d'Aspin, régnant sans partage sur le territoire de Cap de Long. Heureux comme au premier jour. Après avoir lu ça, je ne verrai plus jamais ni Camoudiet et l'Arbizon, ni le Cap de Long de la même manière...

Petite anecdote, j'ai revu il y a peu une connaissance que je n'avais pas croisé depuis fort longtemps. Entre temps, cette personne avait échappé un peu par miracle à une grave maladie. Il a acheté assez récemment une vieille grange isolée qu'il a retapée petit à petit. Il y a passé plusieurs journées d'affilée seul sans voir personne, dans des conditions assez sommaires. Je ne me rappelle pas avoir vu quelqu'un d'aussi serein et avec autant de paix ou de quiétude dans le regard, le tout mélangé à une petite lueur qui traduisait un grand bonheur à goûter des choses simples : le réveil par un chevreuil qui passe à côté, le chant des oiseaux, les petites fleurs, la lumière aux différentes heures de la journée etc.
ça paraît un peu fleur "bleue" comme ça, mais ça m'a donné un vrai frisson tellement il irradiait de bonheur quand il me décrivait ça.

Il a laissé la clé à son frère qui n'habite pas trop loin. Son plaisir est également de la laisser à d'autres personnes qui veulent y passer quelques jours tranquille loin de monde, un peu comme une retraite...

Bien sûr, les murs et le toit sont encore là, qui rappellent toujours la civilisation, mais dans l'esprit ça rejoint un peu ce rêve qui n'est pas vraiment une fuite, mais simplement un rendez-vous avec soi-même, et avec la Nature (avec un grand "N").

Allez, pour finir, toujours un peu plus de poésie :

"Quel bonheur la vie errante,
Pour pays l'Univers,
Pour loi sa Volonté
Et surtout, la chose enivrante,
La Liberté, la Liberté !"

H. Meillac - L. Halévy

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Chacha

Le bonheur est-il dans les cimes?

bonjour à tous,

ne jamais redescendre.... j'ai tenté l'expérience cet été, 16 jours en autonomie, le sac et la tente.
Une expérience inoubliable, au bout du troisième jour, le temps cesse sa fuite incessante en avant. Le temps ne s'écoule plus de la même façon. En marchant tous les jours, à voir cette succession de paysages si variés, le soir au moment du bivouac, je me demandais si j'avais vu tout ça dans la même journée.
Toute la vie civilisée disparaît, les préoccupations "d'en bas" aussi. Tu marches, tu contemples, et les seules choses à gérer sont l'orientation, l'eau, trouver un bivouac sympa et prendre soin de tes pieds (... manger et dormir ensuite).


Pour ce qui concerne l'intendance, nous étions 2 (question de sécurité) et nous avions caché du ravitaillement sur le parcours à quelques points stratégiques de notre itinéraire.
Ceci nous a permis de réduire considérablement le poids des sacs : 14kg!
Ah, bien sûr, nous n'avions pas une tenue pour chaque jour, mais comme il a été dit précedemment, un morceau de savon de marseille et le tour est joué.
En fait, nous n'avons manqué de rien.

Maintenant, après cette expérience, je me sent encore plus attirée par la montagne qu'avant (ce qui n'est pas peu dire) mais je recherche davantage à partir sur plusieurs jours.
Ce qui est sûr c'est que ça vide la tête mais pour le faire dans de bonnes conditions, préparer bien votre itinéraire, et rien de superflu dans le sac.
Je m'imagine mal parcourant les sentier ne serait-ce qu'avec un sac de 25kg.
l'allègement du sac est il est vrai proportionnel à l'allègement du portefeuille, mais c'est pour du matéreil de qualité qui durera des années si l'on en prend soin. Je ne regrette pas ce choix.

@+
Biba

Passionnant comme sujet! et voilà donc beaucoup de réponses.
Je rejoins pat_j quand il dit qu' "Il y a autant de manière de pratiquer la montagne qu'ils y a de pratiquants."; c'est surement grâce à cela que le plus grand nombre se fait plaisir en montagne.

Cependant, il m'arrive très souvent, (pour ne pas dire a chaque rando!) de chercher une bonne raison pour redescendre dans cette "civilisation" . Pourquoi? harmonie vécu avec le milieu naturel, sécurité car seul sans contraintre de l'autre, ou encore sentiment de liberté!!! Ainsi, à chaque fois je pense au Grand Bleue; a cette scène ou "Enzo" meurt et demande a ce qu'on le ramène en bas (au fond de l'océan!) car c'est là qu'il se sent le mieux!

A chaque fois je trouve une bonne raison pour redescendre. Alors je suis en "manque de montagne" c'est ce qui me fera revenir en ces lieux.
Mais, je suis quand même bien content de ne pas vivre de la montagne. Car le plus souvent les histoires de montagnards ne ressemble pas à celle de chacha (malheuresement!!!). Pour une histoire comme celle-ci je peut vous citer en exemple des dizaines de bergers qui lors de leurs retraite ne sont jamais remonté en estive de peur de revivre des moments difficiles: froid, vent, pluie, orage, brouillard, brebis perdu ...
N'oublions pas que nous profitons du meilleurs côté de la montagne, et qu'elle peut être terrible.
Alors respectons là!