J7 : samedi 16 juillet 2016Distance :
22 km D+ : 1460 m D- : 1280 m
J'ai passé une très bonne nuit et me réveille à 7h30. Santi se réveille peu après et on se remet à discuter en prenant le petit déj. Il rigole quand je lui montre certains de mes objets MUL (brosse à dents, couteau …). Je devine qu'il cherche aussi un peu à l'être avec sa tente légère Tarptent et d'autres objets qui ont allégé son sac à dos qui doit peser aux alentours des 14 kg.
La météo est de très bonne facture, c'est à nouveau une tempête de ciel bleu, sans une once de vent. Il fera même très (trop!!) chaud sur les hauteurs.
Un clin d’œil à Lagrole et à belle crête Keleta-Kartxela. A faire lors d’un autre séjour en Haute-Soule/Roncal.
Je démarre à 8h40 en suivant scrupuleusement les traces du GR, car j'ai déjà lu des topos où certains partaient du refuge trop à l'Est vers la forêt, s'y perdaient et mettaient un temps fou, beaucoup d'énergie et de nervosité pour s'en extirper ensuite.
Il suffit en fait de partir un peu vers le Nord vers la petit muraille que l'on longe ensuite vers l'Est.
Le sentier zigzague sans cesse dans la forêt, où il ne semble n'y avoir qu'un seul passage possible tant celle-ci est dense. Ne surtout pas tester le hors-sentier et se perdre ce matin !!!
Le sentier est … tout droit, attention aux orties
A droite, c’est dense…
et à gauche, c’est touffu…
Après un bon moment dans la forêt, le paysage s’éclaircit et le sentier évite intelligemment toutes les difficultés du terrain et devient très agréable en passant par des clairières herbeuses et rocheuses très pittoresques.
Marcher dans ce décor et avec ce temps est un pur bonheur
Mais comment font les arbres pour pousser sur de la roche ?
Les moutons semblent apprécier l’ombre de cette petite muraille
Je fais une petite pause et Santi me rattrape vers 11 h.
Il a un très bon rythme avec son sac qui pèse plus lourd que le mien.
On discute un peu puis je le laisse partir
Santi au loin
J'arrive à le suivre à distance et le rejoins finalement lorsqu'il fait une pause.
Je suis impressionné par tant de beauté. J’imagine que les occidentaux sont habitués mais on n’a pas de tels endroits dans la partie orientale des Pyrénées.
J’ai déjà fait l’Anie par le Nord il y a bien longtemps (2004) mais je n’avais pas eu une belle météo et je n’avais pas le souvenir de tant de splendeur.
Le col d'Anaye (ou d'Insole) n’est plus très loin, Santi m’immortalise dans ce lieu et on finit la montée ensemble
Arrivé au col, je suis abasourdi. Je mitraille l’endroit tant j’apprécie ces lieux : je suis dans un élément que j'adore, de la roche partout ! J’ai toujours eu une préférence pour le côté minéral de la montagne.
La muraille de l’Anialarra chère à Peio est impressionnante
Santi voulait initialement faire le pic d'Anie, mais il traîne une douleur musculaire à la cuisse depuis quelques jours et se résigne sagement à ne pas y monter
On rencontre des randonneurs qui reviennent justement de l'Anie par l’Anialarra. Ils nous disent que l’accès n’est pas difficile et bien cairné.
Santi va prendre de l'eau aux sources du Marmitou puis grimpe au pic des Trois Rois. On s’est donné RV là -haut.
Je reste de mon côté un long moment à emmagasiner mille images de ce lieu magique. J'inspecte chaque sommet, chaque arête, chaque éminence, quelle beauté !
Le pic des Trois Rois au Sud et le fier pic de Pène Blanque, si je ne me trompe pas, tout à gauche
La première neige que je rencontre depuis Hendaye !
Le soleil est bien présent et même bien pesant, je grille littéralement. Il fait une chaleur terrible.
Je ne sais pas si c’est le soleil qui me fait perdre ma lucidité, mais je vais faire deux grossières erreurs coup sur coup.
D’abord, je décide de ne pas aller chercher d’eau au Marmitou, pensant que j’en aurai assez avec le litre restant : ERREUR !!!!!!!!!
Ensuite, je ne regarde pas la carte et suis bêtement le tracé Rouge et Blanc. Dans ma tête, j’étais convaincu que ce GR contournait quelques mamelons pour remonter tranquillement au col des Ourtets par l’Ouest, passait ensuite entre lePic et la Table et redescendait au Sud du Pic pour retourner à Linza ou à Bélagua au choix.
Que nenni ! C’est après avoir redescendu 150 m de dénivelé que je me rends compte que je fais fausse route sur ce sentier. Je me retrouve à 1870 m d’altitude et je dois grimper à 2446 m...
Par où passer ? Revenir au col d’Anaye ? Non, il doit bien y avoir des cairns qui longent les parois Nord de l’Alto de Ukerdi ou l’Alto de Budegia…
Bah... non, je n’en ai pas trouvé un seul. Finalement, j’ai fait ce trajet là :
Je fais un peu les montagnes russes dans ce désordre de roches : si les lignes de niveau semblent douces, c’est croulant à souhait et cela m’épuise vite, et ma réserve d’eau aussi s'épuise vite !
Je fais baisser un peu la température de mon crâne en mettant de la neige dans mon bob
Mais je suis récompensé au passage d’un petit contrefort où je surplombe un bon paquet d'isards : les premiers depuis Hendaye il me semble. Parfois, je les surprends à 10 m, ils se retrouvent tout bêtes et s'enfuient. D'autres se rafraîchissent sur la grande quantité de névés que je croise. Ils sont peut être surpris de trouver un bipède ici.
La montée se fait de plus en plus dure quand je dois remonter un couloir de petits cailloux croulants qui me font perdre 30 cm de dénivelé à chaque mètre gagné. Le couloir où je suis passé (alors que je pouvais passer à gauche plus tranquillement mais je voulais aller au plus direct)
Je mets beaucoup de temps et le soleil m'assomme littéralement : quelle ironie avec la pluie de jours précédents.
Regard en arrière du haut du petit couloir
Le pic des Trois Rois est encore haut !
J’arrive enfin à quelques centaines de mètres du col de Lhurs, enfin de ce que je crois être le col de Lhurs, car il sera plus loin le bougre
Quel paysage tourmenté !
D’ici, le 3 Rois ressemble à la proue d’un bateau
Ah, je ne suis pas le premier à passer là , à moins que ce soit quelqu'un qui ait balancé ça du sommet
Problème : un immense névé pentu m'empêche l'accès au col de Lhurs. Que faire?
J'essaie de le traverser ou je le remonte jusqu'à son extrémité en amont en espérant que ça passe le long de la paroi Sud du pic des 3 Rois ?
Pas le temps de réfléchir car, à ce moment-là , un immense pont de neige s'écroule avec fracas de plusieurs mètres dans un trou béant sous l'effet de la chaleur.
Ok, je monte tout en haut !
Je tombe par hasard sur l’ancienne croix du sommet de la Table des 3 Rois
J’arrive enfin en haut du névé
Je trouve l'entrée d'une cheminée qui doit mener au sommet du pic des 3 Rois
mais ça passe entre le névé et la paroi vers la gauche et j'arrive enfin au gros cairn quelques mètres au-dessus du col entre les deux sommets des 3 Rois.
Et là , bain de foule, wouf, ça fait bizarre.
J’attends un peu que tout ce petit monde parte en mitraillant car je veux revenir avec ce que je suis venu chercher : le plein d’images !
J’essaie de nommer ce que je vois (l’élève attend la correction des professeurs occidentaux):
Le pic d’Anie
Le pic de Lhurs
Le Billare
Secteur d’Isabe
Le lac de Lhurs
La Table des 3 Rois
Le Jean-Pierre
Le vallon d’Ansabère
Les aiguilles
Le pic d’Ansabère
C’est beau aussi au lointain
Je commence à avoir très soif mais je garde mes derniers 20 cl pour mon repas.
Je monte au Pic des 3 Rois. Non, pas par lÃ
mais par lÃ
Je déguste mes nouilles chinoises à 16 h au château en discutant avec Santi que j'ai retrouvé là -haut
Santi veut tout comme moi faire le pic d’Ansabère (appelé Pico Petrechema sur la carte espagnole).
Mais j’hésite un peu car je n’ai plus une goutte d’eau et je n’ose lui en demander car je sais qu’il lui en reste peu.
Je pourrais aller aux cabanes d’Ansabère beaucoup plus rapidement en passant par le col d’Esqueste et les cabanes de Pédain.
J’inspecte le relief au Sud : c’est très tourmenté et sec par le Mouscaté mais c’est bien vert à l’Ouest du côté du sentier allant à Linza. Doit bien y avoir quelque chose qui coule pour refaire le plein. Allons-y.
Je n’oublie pas d’aller rapidement fouler la Table des 3 Rois et je retourne vers Linza
A vol d’oiseau, le pic d’Ansabère n’est pas loin…
J’accélère le pas, je double bon nombre de randonneurs croisés au sommet du Pic, et je pense bientôt voir Santi qui doit avoir quelques minutes d’avance, quand j'entends soudain « Mehdi ! » : c'est Nicolas (?), que j'ai perdu de vue depuis Orgambidé.
Il est en train d'essayer de remplir sa gourde de neige sur un névé sur la gauche du sentier.
Il a eu le programme suivant: il a dormi au sommet d'Okabé, a fait le pic d'Orhy dans le vent, a dormi à Ardané, est passé par Bélagua puis au Nord de Linza. Il va au col d'Esqueste, et compte dormir comme moi aux cabanes d'Ansabère. Il a décidé de marcher seul car Julien semblait vouloir aller moins vite.
Je remplis ma Platypus de neige en discutant un bon ¼ h avec lui et je repars dans le sens opposé au sien. La neige fondant lentement me permet de boire une gorgée d'eau toutes les 5 minutes pendant une bonne heure au moins.
Je quitte le sentier balisé en voyant un cairn sur une éminence à gauche et à ma stupeur, je constate que le pic d'Ansabère est encore très loin et surtout qu'il y a des nombreux vallonnements qui me séparent de sa base : que de montées et descentes épuisantes sous le cagnard …
Je décide de retrouver le chemin balisé de Linza à l'Ouest qui contourne tous ces petits vallons. C'est plus long mais bien plus régulier et moins fatigant.
Salut les marmottes !
Je n'ai plus d'eau du tout, ma gorge est très sèche maintenant.
Je vois un abreuvoir mais l’eau stagnante est infestée d’insectes et le ruisseau qui l’alimente est un micro filet d’eau imbuvable.
Je vois maintenant le col d’Ansabère à droite du pic
Je sens que mes forces s'amenuisent. J'arrive difficilement à ce que je crois être le col d'Ansabère ( col 2078) mais que nenni, il reste bien une bonne demi-heure pour arrive au bon col au Nord.
J'ai abandonné depuis longtemps l'idée de monter au pic d'Ansabère, je le zieute quand même et j'aperçois tout en haut Santi en train de redescendre. J'ai si soif que je n'ai pas le courage de l'attendre et je me dirige très lentement vers le bon col d’Ansabère. Ca fait bien longtemps que je ne m’étais pas senti si faible. Je me suis bien protégé du soleil toute la journée avec le bob, donc ce ne doit pas être une insolation, mais je suis très déshydraté.
J’arrive laborieusement au bon col, le temps m’a paru être une éternité depuis le col 2078
Regard en arrière : le « mauvais » col est à droite du petit pic au centre de la photo
Je me promets de revenir pour le pic d’Ansabère, et le reste autour d’ailleurs
et j'entame les 400 m de D- qui m'attendent
Santi restera finalement bivouaquer au col avec très peu d'eau et il manquera également de gaz lors de son repas. Il devra repartir le lendemain sin désayunar.
Je prends de la neige sur le névé et prends bien le temps de la faire fondre et de la réchauffer dans ma bouche avant de l’avaler. Mais je n’étanche absolument pas ma soif.
Je profite à chaque pas des fantastiques aiguilles d'Ansabère : c'est absolument prodigieux !!
J'arrive bien tardivement aux cabanes où je retrouve Nicolas (?) qui a monté sa tente.
Je bois à la cabane du berger au moins un litre d'eau sans discontinuer tellement je suis assoiffé. Ouf, ça va mieux.
J'installe la tente face aux aiguilles, y a pire comme vue
Je caresse le gentil patou
et inspecte le sentier en amont pour apercevoir Santi (que je ne verrai pas arriver puisqu’il a dormi là -haut).
Je discute longuement en mangeant avec Nicolas(?) sur pas mal de sujets. C'est un urbaniste parisien très intéressant à écouter. Il a effectué pas mal d’excursions dans les Alpes, les Pyrénées et en Corse.
Nous attendons que le berger finisse sa traite pour lui acheter un bon gros morceau de fromage de brebis pas MUL du tout !
Il est excellent mais bien difficile à couper avec mon petit couteau
Avant de me coucher, je discute avec un couple un peu âgé qui dort dans la cabane réservée aux randonneurs. Le monsieur est un trailer qui, tenez-vous bien, a gagné 2 fois la course du Canigou dans les années 80, celle du Montcalm et bien d'autres courses dans les Pyrénées. Waouh !! On discute 20 minutes et c'est enfin l'extinction des feux.
Je suis fourbu, mes jambes me font bien mal ce soir, et je m’hydrate longuement avant de m’endormir.
J’ai souvent l’habitude de dire à mes amis randonneurs qu’on oublie vite la fatigue après une rando et qu’on ne retient que le plaisir mais là , après 2 semaines, j’ai encore un souvenir très vivace de la fatigue et de la soif ressenties lors de cette journée là .