Fin de journée sur la HRP, nous venons de la vallée d'Estos et cherchons le col des Molières, beaucoup de vent et de brouillard, nous suivons les cairns, remontons les belles dalles caractéristiques du coin. Nous arrivons sur une crête, toujours pas de visibilité. Nous imaginons que c'est celle reliant le col et le sommet, le premier à gauche, le second à droite.
Beaucoup de vent, il se fait tard mais la fougue de la jeunesse me fait insister pour partir à droite, faire le sommet. Le copain, plus raisonné, veut d'abord voir la tête de la descente. J'insiste, il ne cède pas, vu la météo, je me range à son avis. Nous partons à gauche.
A la boussole, l'orientation de la crête ne correspond pas à ce qu'elle devrait sur la carte, pfff, détail, ça se remettra d'aplomb plus loin. Tient, ça monte, bizarre pour aller vers un col. Toujours pas de visi, battus par le vent, seul compte d'avancer, quitter cette crête.
Sur un replat, coup d'oeil à l'altimètre, 3010m. Euuhh Fred ?! Je crois qu'on est au sommet du pic là !
Je suis content, le copain un peu moins, on se dirige maintenant vers le col en cherchant le passage pour basculer dans le vall de Molieres, tout est abrupte, rien d'engageant, nous continuons. La suite racontée par Fred:
"21h00, nous avons beaucoup descendu le long de la crête et trouvons un passage. Mais merde c’est pas la bonne vallée là , c’est trop au Nord! Nous ressortons une énième fois la carte sans comprendre où nous sommes. On en chie, on est paumé, nous décidons de remonter pour se rapprocher du sommet et trouver une sortie, et là pendant 1 minute le brouillard se lève sur cette lumière extraordinaire. Moment magique.
Il va bientôt faire nuit, il neigeote, le vent souffle, on y voit rien dans ce foutu brouillard et nous sommes sur une crête. Décision est prise, il faut descendre. Cap à l’Est, nous descendons tant bien que mal à 15/20 mètres l’un de l’autre. Belle désescalade au programme. Nous apercevons un lac, yes! Arrivés à son pied, le brouillard se lève quelques secondes. Ça monte sec devant, à gauche et à droite. Regards ahuris… Nous sommes descendus comme des brutes dans un cratère. Un p*tain de cratère de merde avec un lac qui n’a rien à voir avec celui de la carte. Un pauvre cratère dont il va falloir sortir. 22h15, nous poussons quelques cailloux de quoi monter le tipi de Seb. De toute façon on est crevés, impossible de réfléchir. On verra bien demain, rideau!"
Le lendemain, c'est tout autant folklorique, ce n'est qu'en fin de matinée que nous comprenons que nous sommes dans la vallée Sarrat de Gerbosa, celle au nord de là où nous devrions être. Surement la vallée la plus sauvage de notre traversée. Au fond est indiqué mine de Toro donc il y a surement dû y avoir de l'activité mais aujourd'hui elle semble complètement délaissée.
Bref, beau ramassis d'erreur avec la combinaison magique fatigue et, comme évoqué par Bourdon, la mauvaise visibilité. Il m'en a fallut encore quelques-unes comme celle-là pour qu'enfin, quand je remets en cause la véracité de la carte, une petite lumière s'allume disant "non, la carte va bien, c'est toi qui déraille"