Un glacier
descend le long de la montagne. Lentement, ce qui n'en fait pas pour
autant un fleuve tranquille. Il n'aime ni les changements de relief,
ni les changements de direction. En effet la glace est malléable,
mais jusqu'à un certain point. Quand on la triture trop fort,
elle casse : c'est la crevasse, une sorte de gerçure géante
du glacier. Ces pièges glauques se trouvent donc de préférence
aux ruptures de pente.
La masse glaciaire inférieure descend plus vite que la masse
supérieure. Les adieux entre les deux masses sont déchirants...
Les virages des glaciers occasionnent d'aussi déplorables phénomènes.
Si la glace est compressée à l'intérieur du virage,
elle subit une traction à l'extérieur : d'où
là encore, déchirures, crevasses. Mais les coquines
se forment aussi un peu partout, à la va-comme-j'te-pousse,
et un glacier plat tout droit ne garantit en aucun cas l'absence de
chausse-trappe. Bon, pour choir dans certaines d'entre elles, il faut
le faire exprès. Une crevasse, ça se voit. Suffit de
faire le tour... La chose se complique lorsque le glacier est enneigé.
Les oubliettes de la montagne sont alors cachées par une couverture
de neige superficielle qui se veut rassurante, procurant un fallacieux
sentiment de sécurité, c'est le pont de neige. La seule
parade qui existe : l'encordement.
L'encordement sur glacier
est obligatoire
Il demande une bonne coordination, une vigilance permanente et une
répartition des rôles lors de chaque passage délicat.
Il faut alors qu'un équipier se tienne prêt à
retenir une chute éventuelle du partenaire en ancrant fermement
ses crampons et son piolet. L'usage a déterminé quelques
cheminements où l'on peut s'en passer, mais ce sont des exceptions.
On a déjà vu de nombreux randonneurs négligeant
cette précaution sur nos quelques glaciers pyrénéens
tel celui de l'Aneto, d'Ossoue par exemple. Ne croyez pas être
ridicules, harnachés comme il se doit, lorsque vous croisez
des collègues évoluant la fleur aux lèvres
et la corde dans le sac : c'est vous qui avez raison!
Vouloir aborder un glacier quelque soit son état décordé
relève de l'inconscience, c'est une prise de risque face
à un danger bien réel.
Longueur de l'encordement
Le bon réflexe est l'encordement long minimum 15 mètres.
Pour ne pas se trouver à plusieurs sur le même pont
de neige... Et pour amortir le choc d'une chute. En effet plus la
distance d'encordement est longue, plus la chute d'un équipier
dans une crevasse est facile à retenir. Le diamètre
conseillé pour la corde est de 9 mn. Inutile de préciser
qu'un baudrier est préférable pour s'encorder. Il
maintient plus confortablement une personne en suspension dans le
vide qu'une simple corde attaché autour de la taille.
La progression
Elle se fait ensemble, à corde tendue : pas la peine d'être
encordé si on laisse traîner la corde par terre pour
discuter aimablement avec son compagnon de cordée. Lors de
passages de ponts fragiles, le premier prévient le second,
qui le suit à corde tendue, inutile de s'arrêter. Le
premier, une fois l'obstacle franchi, ne s'arrête pas, il
accompagne la progression du second. Ce serait une erreur de s'arrêter
tout près de la crevasse et d'assurer en avalant la corde.
Etablir un relais fiable (deux, en fait : un avant, un après)
à chaque crevasse prendrait trop de temps. Si la corde est
tendue, lors d'une chute, le frottement de la corde à travers
la lèvre du pont de neige amortit une partie de l'énergie.
En un ou deux pas, vous pouvez arrêter votre compagnon. Plus
vous êtes loin, plus la manuvre est facile.
Arrêter le copain, c'est bien. Reste à ne pas le lâcher
et à le faire sortir de là. Sur un itinéraire
fréquenté, ou au sein d'un groupe, tout est simple.
On se met à plusieurs et on tire le malheureux de sa position.
Si on est seul, la chose se complique, et il vaut mieux avoir pensé
à quelques trucs :
- L'encordement en N : Il consiste à ne pas s'encorder aux
extrémités de la corde, mais à chacun des tiers,
pour une cordée de deux. Le reste de corde est roulé
et placé sous le rabat du sac, prêt à être
déroulé. Cette réserve de corde sert à
confectionner un mouflage où à lancer un deuxième
brin à l'infortuné copain qui pendouille. conséquence
: une corde de 50 mètres pour une cordée de deux paraît
un minimum, si on veut respecter un espace de 15 mètres entre
les deux membres de l'équipe.
- L'auto-bloquant pré-installé près de l'encordement
: Placé sur la corde, juste devant vous, il sert à
vous décharger du poids du toujours infortuné copain.
Vous vous trouvez en général assis par terre, après
avoir réussi l'arrêt de son voyage vers le centre de
la Terre. Il pèse, le bougre, aussi plantez votre piolet,
(ou vous faites un corps mort, si nécessaire), ou même
s'il y a de la glace, placez une broche (deux, tant que vous y êtes).
Cet ancrage solide réalisé, vous y passez l'auto-bloquant.
Vous le mettez en tension, vous vous décordez. Le poids de
l'infortuné est pris en charge par l'auto-bloquant. Vous
avez les mains libres pour vous repeigner, ou pour faire un mouflage,
si vous avez le goût, et si vous savez le faire.
|