La nivologie
Résultat d'une fragile alchimie (la vapeur d'eau qui se congèle
d'une certaine façon), la neige est un matériau très
étrange. Elle se transforme, se désagrège et
se liquéfie en fonction de l'hygrométrie et de la température
ambiante. Avec la neige, rien n'est jamais sûr.
La texture de la neige
Il faut d'abord souligner que la mutation d'une goutte de pluie
en flocon de neige ne se réalise pas forcément à
0 °C. La température à laquelle se produit ce
changement peut fluctuer de plusieurs degrés selon le contexte.
Le flocon de neige est constitué de l'agglomération
de cristaux qui peuvent prendre des formes géométriques
à base hexagonale, éphémères et très
variées (plus d'une centaine!) : en étoile, en bâtonnet,
en colonne creuse, arrondie, etc. Selon leur aspect, les cristaux
s'accrochent donc plus ou moins facilement entre eux et déterminent
la consistance des flocons qui s'agglomèrent pour former
le manteau neigeux. La couche de neige au sol peut alors varier
nettement de densité et de propriétés (mécaniques
et thermiques) ; par exemple la masse volumique peut varier de 40
à 450 kg/m3! Et surtout, la structure des cristaux (en branches
ou en grains) fait ou défait la cohésion de cette
couche de neige. Légère ou compacte, froide ou humide,
la neige tombée au sol se métamorphose sous l'influence
du vent, de l'isothermie, de la température et se comporte
de manière très aléatoire. Tous ces phénomènes
expliquent (mais ne préviennent pas!) les avalanches, qui
constituent une menace permanente, pour ne pas dire le fléau
le plus redouté des montagnards.
L'avalanche
Les scientifiques distinguent le déclenchement spontané
d'une avalanche (qui a lieu immédiatement après une
chute de neige) et l'effet " mémoire " (un
facteur
" déclenchant " existe dès la chute
de neige mais l'avalanche peut avoir lieu un mois plus tard). Ils
classifient aussi les avalanches en trois catégories, en
fonction de la structure de la neige au moment du déclenchement
:
-
L'avalanche de poudreuse
elle concerne une épaisse couche de neige " fraîche
" toute récente ou parfaitement conservée
pendant plusieurs jours par le froid. L'instabilité résulte
de l'accumulation sur une pente raide et c'est son propre poids
qui fait glisser la neige par gravité, d'abord ponctuellement
puis sur la plus grande largeur de pente possible. La cause principale
de l'avalanche est donc bien la surcharge, qu'elle soit due à
une nouvelle chute de neige abondante ou au passage d'un skieur
ou d'un marcheur. Son effet est dévastateur car sa matière
très " volatile " peut prendre l'allure
d'une vague monstrueuse de plusieurs mètres de hauteur qui
dévale à une vitesse de 200 km/h, précédée
d'un souffle d'air surpuissant capable de tout arracher à
la manière d'un ouragan! Ce type d'avalanche est évidemment
plus fréquent en plein hiver mais rien n'interdit que les
circonstances soient réunies à une autre époque
de l'année en très haute altitude.
- L'avalanche de plaques
elle est principalement (mais pas seulement) le résultat
du vent, qui transporte et accumule de la neige sur un versant en
brisant la texture des cristaux.. La couche artificiellement formée
se superpose mais n'adhère pas à la couche sous-jacente.
Plusieurs fois répété, le phénomène
crée un véritable mille-feuille et il suffit d'un
cisaillement qui tranche net les strates (donc un facteur "
déclenchant " extérieur comme le passage
d'un skieur ou d'un marcheur) pour provoquer l'accident. L'avalanche
de plaques est relativement moins courante mais particulièrement
sournoise et c'est donc la plus dangereuse pour le montagnard.
- L'avalanche de fonte
c'est une coulée de neige humide (ou mouillée) due à
une phase de redoux climatique. La neige se liquéfie partiellement
en quelque sorte. Par percolation, l'eau s'infiltre et désolidarise
les différentes couches entre elles. La coulée se déclenche
spontanément et localement puis tout glisse lentement en formant
des bourrelets et en rabotant le sol (elle emporte souvent un peu
de boue). C'est une avalanche très fréquente au printemps.
Elle est sans doute moins inquiétante parce qu'elle est un
peu plus prévisible, se déclenchant notamment dans l'après-midi
et sur les pentes exposées plein Sud.
Attention aux préjugés
Les alpinistes ne craignent pas trop l'instabilité d'un névé
en plein été mais doivent surveiller de très
près le manteau neigeux s'ils pratiquent la montagne en hiver
ou au printemps, en ski de randonnée.
Puisqu'ils ne partent jamais seuls, ils doivent respecter une règle
d'or : traverser une pente avalancheuse un par un. Dès lors,
si un accident survient, il y a toujours des rescapés qui
peuvent intervenir dans l'urgence et dégager la victime.
Savoir rennoncer C'est un crédo essentiel pour le montagnard
(et le skieur). En toutes circonstances, il faut savoir renoncer
au sommet convoité, à l'itinéraire prévu,
à s'engager dans une pente de neige douteuse. Rebrousser
chemin n'est pas synonyme d'abandon mais de bon sens, en attendant
de meilleures conditions. Les statistiques démontrent que
l'avalanche de poudreuse est la plus courante dans nos massifs mais
que l'avalanche de plaques est nettement plus meurtrière
(parce qu'on ne devine pas facilement son facteur déclenchant).
En fait, il ne faut jamais relâcher sa vigilance et on doit
constamment analyser l'état de la neige, tellement variable
d'un moment à l'autre, d'un versant à l'autre.
Enfin, certaines croyances sont à bannir :
- le froid ne consolide pas la neige qui vient de tomber;
- une faible chute de neige ne diminue pas le risque;
- une avalanche peut se déclencher sur une pente relativement
faible;
- une couche de neige " vieille "n'est jamais stabilisée
avec certitude;
- une trace faite auparavant ne prouve rien (une plaque peut résister
au cisaillement d'un passage mais pas au second).
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