" Le risque de voir
disparaître les ours des Pyrénées est très
fort si l'on ne procède pas à l'introduction de nouveaux
spécimens ", prévient Pierre-Yves Quenette,
le biologiste responsable de l'équipe technique du suivi des
ours d'origine slovène à l'Office national de la chasse
et de la faune sauvage (ONCFS).
" Cela fait quinze ans qu'on ne cesse de dire qu'il faudrait
une population plus importante pour éviter qu'elle ne périclite
", ajoute Jean-Jacques Camara, son collègue, en charge
du suivi des plantigrades béarnais.
Sur les douze ours (NDLR: estimation de l'ONCFS à un ou deux
près) vivant sur la chaîne (cinq à six autochtones
en Béarn et six de souche slovène en Pyrénées
centrales), il n'y a que trois femelles : Cannelle, la Béarnaise,
et ses deux congénères, Ziva et Caramelle.
" S'il arrivait quoi que ce soit à l'une d'entre elles,
ce serait dramatique pour l'espèce ", est persuadé
Pierre-Yves Quenette.
Bien qu'un temps prévue, l'introduction de nouveaux ours en
Béarn n'est plus à l'ordre du jour.
L'Institution patrimoniale du Haut- Béarn (IPHB), organisme
mis en place en 1994 et regroupant notamment des élus locaux,
des bergers, des associations de protection de la nature et des représentants
de services de l'Etat, n'a pas trouvé de terrain d'entente
sur ce point avec le ministère de l'Environnement.
L'IPHB, dont la raison d'être est le développement durable
des vallées béarnaises et la protection de l'ours, a
proposé ce renforcement de population le 19 décembre
1996.
Si, plus de deux ans plus tard, par un courrier en date du 15 février
1999, Dominique Voynet, à l'époque ministre de l'Environnement,
a salué " cette démarche courageuse ",
elle a assorti son autorisation « de conditions inacceptables
» pour les élus. Elle a, entre autre, refusé à
l'institution " la capture des ours en cas de problème
" et demandé le classement en zone Natura 2000 du territoire
sur lequel elle a compétence. Craignant de voir créer
des réserves à ours, les élus et les bergers
se sont, finalement, opposés à ce repeuplement.
Des tensions avec l'Etat qui ont débouché, en novembre
2001, sur la démission de Jean Lassalle, le président
de l'IPHB.
" Je suis parti parce que j'ai constaté que l'Etat
a repris, subrepticement, les prérogatives qui nous revenaient
par la charte de développement que nous avions signée
avec lui. On nous a dépouillé de ce qui faisait notre
crédibilité dans les vallées, alors que nous
avions réussi à mettre tout le monde autour d'une table.
A présent, la confiance entre les gens est mise à mal
".
A propos de l'ours, Jean Lassalle précise : " L'Etat
nous a retiré l'indemnisation de ces dégâts qu'il
a confiée au Parc national des Pyrénées. Il nous
a ensuite dépossédé des moyens consacrés
à son suivi au profit de l'Office national des forêts
et de l'ONCFS. Ses services ne nous prévenaient que tardivement
des attaques de troupeaux. Quant aux analyses ADN d'identification
des ours, les résultats ne nous parvenaient plus qu'au compte-gouttes
".
Les attaques perpétrées en 2000 par Néré
(slovène né dans les Pyrénées centrales)
dans les estives d'Asson (cent soixante brebis tuées) et dans
celles de Laruns, l'année suivante, ont fini de discréditer
l'IPHB. Privée de ses pouvoirs, elle n'a pas pu intervenir
pour faire cesser les agissements de l'animal et, du coup, enrayer
toute hostilité au renforcement de sa population.
A l'instar de Jean-Jacques Camara et Pierre-Yves Quenette, Jean Lassalle
considère pourtant que " la cohabitation de l'homme
avec l'ours est possible, même si les conditions ne sont pas,
aujourd'hui, remplies pour y parvenir ".
Dans les Pyrénées centrales, par contre, la situation
est plus critique dans la mesure où peu d'actions visant à
permettre cette cohabitation n'ont encore vraiment abouti.
Tous s'accordent à regretter que " les extrêmes
de chaque bord, (NDLR: certaines associations de protection
de la nature, de chasseurs et d'éleveurs) fassent de l'ours
leur fond de commerce ".
En attendant que les hommes règlent leur querelle, l'avenir
de l'ours semble des plus compromis dans les Pyrénées.
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