Tout le monde en Ariège
est au courant depuis peu que l'ours Boutxy s'est réveillé
(lire article du 15 mars). Fidèle à Mijanès,
son lieu d'hibernation depuis 1998, l'animal n'avait plus été
localisé vendredi soir par l'équipe technique de l'ours.
Tout le monde croyait que ce joli bébé de 200 kg était
encore quelque part dans les montagnes du Donezan. Jean Roques, 67
ans, retraité de l'Equipement demeurant à Orlu et pêcheur
habitué à taquiner la truite dans les remous de l'Oriège
a eu la preuve vendredi que Boutxy avait changé d'air pour
aller humer celui de la réserve nationale d'Orlu. " Vendredi
en début d'après-midi, j'avais décidé
d'aller pêcher dans l'Oriège du côté du
pont des Anes et de remonter la berge. A 16 h 30, j'ai entendu du
bruit dans un buisson non loin de la rivière. J'ai d'abord
cru à un sanglier ", raconte Jean.
" Et puis soudain, j'ai vu une tête immense émerger
des branchages. Planté dans un trou d'eau, l'ours est apparu
à deux, trois mètres à ma droite. Il m'a regardé,
a dévalé le talus avant de traverser l'Oriège.
Je n'ai pas eu le temps d'avoir peur. J'ai été surpris
et je ne m'y attendais pas. J'avais vu à la télé
et dans la Dépêche que cet ours était sur Mijanès!
Je ne me doutais pas que je pouvais me trouver nez à nez
avec cet animal. Il est impressionnant avec un beau pelage brun
et des pattes qui ont laissé des empreintes d'au moins 25
cm dans la neige fraîche ".
L'ours a ensuite poursuivi sa route en direction du bois sans oublier
de toiser du regard à plusieurs reprises le pêcheur.
" Il s'est retourné tous les cinq mètres pour
me fixer droit dans les yeux ".
Après cette rencontre inattendue, Jean ne s'est pas arrêté
pour autant de pêcher. " Je suis resté au bord
de la rivière encore deux bonnes heures sans omettre de regarder
attentivement les alentours, juste au cas où! C'est certain
que s'il avait voulu me sauter dessus, j'aurais été
bien incapable de me défendre. Mais il n'a fait que passer.
C'est une belle bête mais je l'ai trouvé amaigrie.
Il vient de sortir d'hibernation et il est visiblement en quête
de nourriture. Il aime bien le coin. Par le passé, il a déjà
" gloutonné " quelques ruches sur Orlu dont la
nôtre il y a deux ans ".
Si Boutxy a élu domicile à Mijanès l'hiver,
il semble avoir pris ses quartiers d'été du côté
d'Orlu. Après avoir croisé le plantigrade de si près
et sans dommage, Jean Roques est conscient de sa double chance.
" Je suis encore vivant. Le voir de si près, cela
ne m'arrivera plus. Et dire qu'au moment où il a surgi, j'allais
remonter sur la berge. On aurait pu se retrouver face à face
".
Mais ça, c'est déjà une autre histoire. Hier
matin, ours ou pas ours, Jean et son fils Philippe avaient déjà
chaussé les bottes et sorti les cannes pour aller pêcher.
" L'ours, mon père et mon grand-père l'avaient
vu. On savait déjà qu'il traînait par ici. Maintenant,
on en est sûr. Mais ça ne m'empêchera pas de
revenir dans l'Oriège, glisse Jean. Sa vision restera gravée
à jamais dans ma mémoire ".
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